Page 99 - LJC Francais
P. 99
NAISSANCE DE L’ISLAM COMME RELIGION INDÉPENDANTE
leur orthodoxie. Ils présentèrent rétroactivement tous les
prophètes juifs – Abraham comme Isaac, Jacob, Moïse, Aaron, David,
Salomon, Jonas, Élie – et Jésus, comme musulmans. Le terme musulman
signifie « intègre » en hébreu, et selon les musulmans :
intégralement soumis à D-ieu.
C’est par cette expression que le premier maître de Mohammed
qualifia Abraham, Isaac et Jacob : des serviteurs intègres de D-
ieu, des musulmans. Une fois les adeptes de Mohammed appelés
musulmans, ils sont persuadés que les prophètes bibliques avaient
la même religion qu’eux !
L’usurpation fut pratiquée autant dans le domaine religieux que
territorial. Les Patriarches, Joseph et Salomon – le constructeur
du premier Temple –, devenus musulmans, les lieux saints tels que
le caveau des Patriarches à Hébron, la tombe de Joseph à Sichem
(Naplouse), le mont du Temple à Jérusalem et la Terre sainte
promise aux Patriarches sont considérés comme faisant partie de la
terre d’islam.
Ce que Nietzsche écrivit au sujet du christianisme est, d’une
373
certaine manière, applicable à l’islam : « Et en fin de compte :
que doit-on attendre des effets ultérieurs d’une religion qui dans
les siècles où elle fut fondée, s’est livrée à une bouffonnerie
philologique inouïe sur l’Ancien Testament : je parle de la
tentative d’escamoter aux juifs sous leur nez l’Ancien Testament,
en prétendant qu’il ne comptait que des enseignement chrétiens et
qu’il appartient aux chrétiens en tant que véritable peuple
d’Israël, alors que les juifs n’auraient fait que se l’arroger […].
Ensuite on s’abandonna à un délire d’interprétation et
d’interpolation qui ne pouvait absolument pas s’allier à la bonne
conscience : les savants juifs eurent beau protester, il devait
dans l’Ancien Testament être partout question du Christ et
374
seulement du Christ » .
Les confréries soufies
Le monde de l’islam est essaimé par des confréries soufies .
375
Pour ces piétistes, la religion consiste principalement à tendre
vers la perfection et à aimer D-ieu . Ils privilégient le grand
376
djihad, le combat intérieur à mener par chacun pour devenir
meilleur et se distinguent des musulmans qui accordent une
importance plus grande au petit djihad, la guerre contre les
infidèles. Ils se consacrent à la prière, à la méditation, aux
chants et aux danses favorisant une transe mystique.
Leur mode de vie et leur structure sociale font penser par
certains aspects à un mouvement piétiste juif, le hassidisme,
e
apparu en Europe de l’est au XVIII siècle. L’affection si
particulière qui lie les fidèles de ce mouvement à leur rabbi
rappelle celle des confréries à leur cheikhs. Il n’est pas exclu
377
que son fondateur, le Baal Chem Tov , ait observé les confréries
soufies si répandues au sud de la Russie dont il était originaire
et s’en soit inspiré.
373 « La philologie du christianisme ».
374
Fragment 84 d’Aurore cité dans Le Meurtre du Pasteur, de Benny Lévy, Paris,
2004.
375 Voir aussi M. J. Sedgwick, Le Soufisme, Paris, Le Cerf, 2001.
376 Cf., Goldziher, Vorlesungen über den Islam.
377 Rabbi Israël ben Éliézer (1698-1760) fut nommé Baal Chem Tov (maître du bon
Nom).
99