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LES DEUX TRADITIONS

musulmans se devront d’adopter : « Vous avez dans le prophète de D-
ieu [Mohammed] un excellent modèle pour celui qui espère en D-ieu,
croit au Jour dernier et L’invoque souvent » (33, 21).
Au cours des trois siècles qui suivent la mort de Mohammed,
plusieurs courants se réclamant de l’islam, chacun étayant sa
légitimité et justifiant ses idées et comportements, composent de
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nouveaux hadiths ou remanient des anciens .
Environ 600 000 hadiths sont composés et présentés comme étant
transmis par tradition orale : Untel m’a dit qu’il a entendu
d’Untel, fils d’Untel que le prophète a dit… La biographie de
Mohammed et de ses compagnons en furent déformées.
Les compilateurs des hadiths le savent ; ils en invalident une
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bonne partie et n’en conservent que quelques milliers. Ils classent
les hadiths en différentes catégories : bien portants, faibles,
malades, bizarres, rares. Si les récits appartenant aux derniers
groupes sont évidement faux, ceux définis comme bien portants
semblent aussi pour la plupart erronés. « Nous ne voulons pas
exclure la possibilité que se trouve parfois un peu de vérité au
sein du vieux trésor qui était transmis ; si ce n’est par Mohammed
directement, mais du moins par la première génération de
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l’islam » .
Il ne faut pas perdre de vue que la majorité des hadiths est
composée cent ans, voire davantage, après les récits qu’ils sont
censés rapporter. On ne peut donc sérieusement, à moins d’accorder
la même valeur aux mythes et à l’histoire, leur accorder crédit. Si
les arabes accordaient foi aux mythes durant la période antérieure
à Mohammed, ils le feront donc dorénavant – au nom de la
religion...
Toutefois, en professant la foi et en prêchant la morale,
Mohammed et ses adeptes font à n’en pas douter œuvre civilisatrice.
Le Coran et les hadiths exhortant à la charité, à l’honnêteté et au
respect de la vie – au moins à l’égard des croyants –, vantant la
sainteté, l’humilité, la droiture et la bienveillance de Mohammed,
modifient positivement les mœurs des tribus arabes.
Une question se pose néanmoins : l’islam reconnaîtra-t-il un
jour avoir fait des emprunts si nombreux au judaïsme et au
christianisme ? On se doit d’ailleurs de relever que ce dernier ne
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reconnaît que depuis peu ce qu’il doit aux prophètes d’Israël et à
la tradition juive.

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Au cours des VIII et IX siècles, de grandes discussions
philosophiques animent les esprits au sein du monde musulmans ; les
Mutazilites, souvent présentés comme rationalistes, mettent
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considérablement en doute la véracité des hadiths . Après que le

391 Cela est rapporté dans les écrits d’auteurs musulmans, lorsque, accusés
d’hérésie, ils ont pu échapper au feu et à l’extermination. Voir également
Goldziher Mohamedanische Studien II, 1890 ; Taha Hussein, Fi Al Adab Al Jahili, Le
Caire 1969 ; Juynboll Muslim Tradition, Cambridge, 1983 ainsi que ses autres
ouvrages ; John Wonsbrough, The Sectarian Milieu, 1998 ; Alfred-Louis de Premare,
Les Fondations de l’islam, Paris, Seuil, 2002 ; Abou Zahra, Malik Dar Al Fikr Al
Arabia, Le Caire.
392 Tels Boukhari (mort en 851), Mouslim et Ibn Khatir.
393 Goldziher, Vorlesungen über den Koran.
394 Hirschberg, Jüdische und Christliche Lehren im vor-und frühislamischen
Arabien, Cracovie, 1939.
395 Cf., Ibn Khaldoun, Al Muqaddima, op. cit.



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