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LES DEUX TRADITIONS

calife qui les protégeait ait combattu leurs adversaires, ils sont
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persécutés à leur tour par le calife Moutawakkil .
La tradition juive aux yeux des musulmans
S’intéressant aux textes bibliques, les disciples de Mohammed
prirent conscience que leur maître n’était pas érudit en la
matière. En fait, de nombreuses affirmations du Coran ne coïncident
pas avec ces textes. Ils recoururent alors à un subterfuge : les
juifs les auraient mal transmis ! Et comment Mohammed savait-il
mieux que les juifs ? Parce que chaque parole lui fut enseignée par
un ange. Un ange connaîtrait la Bible bien mieux que les juifs !
Les musulmans cachèrent alors le fait que Mohammed eut un maître et
qu’il n’a jamais prétendu avoir obtenu ses connaissances bibliques
par l’intermédiaire d’un ange .
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Les musulmans comparant volontiers leur religion et leur
civilisation à celles des juifs, ils estiment que leurs défauts se
trouveraient également chez ces derniers. S’ils admettent en effet
que de nombreux hadiths sont des fables, ils croient qu’il en est
de même pour les textes de la tradition juive. Ce serait le sens du
verset : « Une partie des juifs a changé les paroles de D-ieu » (2,
75 ; 7, 162). Certains vont même jusqu’à prétendre que la quasi-
totalité du Pentateuque a été altérée. Le livre que reçut Moïse
renverrait, à peu de chose près, au Coran de Mohammed, avec
quelques préceptes de plus, tels que le respect du Chabbat et des
interdits alimentaires. Mohammed lui-même avait rappelé ces
préceptes en précisant qu’Israël les avait reçus... Les
affirmations de la Bible quant à la pérennité de la religion juive,
de l’amour de D-ieu à l’égard des juifs et de leur salut à la fin
des Temps, seraient le produit de l’imagination des juifs. Les
textes du Tanakh contredisant le Coran, ou ne correspondant pas au
dogme musulman, seraient apocryphes. Ibn Hazm , Samuel Al Mograbi
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et Ibn Taymya sont les grands maîtres de cette thèse. Ils sont
400
cités de nos jours par les islamistes judéophobes .
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À lire le Coran, il semble pourtant évident que Mohammed
accordait une confiance absolue à la tradition détenue par les
juifs : « Et ceci était déjà mentionné dans les écrits des Anciens,
n’est-ce pas pour eux [les Arabes] un signe que les savants des
enfants d’Israël le savent ? » (26, 196-197) ; « Ils la connaissent
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[la Torah] comme leurs enfants » (2, 146) . Quand Mohammed espéra
que les juifs le consulteraient pour connaître son jugement, son
maître l’exhorta à la modestie : « Mais comment te demanderaient-
ils d’être leur juge, quand ils ont avec eux la Torah dans laquelle
se trouve le jugement d’A-llah ? » (5, 43).




396 Mort en 861.
397 Voir chapitre IV, L’ange Gabriel.
398 Chrétien d’Andalousie, converti à l’islam, défendeur du zâhirisme, 994-1064 ;
voir Goldziher, Les Zahirites.
e
399 Juif islamisé, XII siècle.
400 Mort en 1328.
401 Voir chapitre VI, Ibn Taymya.
402 Certains musulmans interprètent le verset : « Ils le connaissent comme leurs
enfants » ainsi : les juifs connaissent le prophète Mohammed comme leurs enfants ;
sa venue est annoncée dans le Pentateuque, et les juifs le savent. Le fait que
cette mention soit absente du Pentateuque serait due au fait que les juifs
l’auraient supprimée. Voir chapitre IV, Quelques preuves quant au prophétisme de
Mohammed.



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