Page 98 - LJC Francais
P. 98
NAISSANCE DE L’ISLAM COMME RELIGION INDÉPENDANTE
s’amplifiant. Trente ans après sa mort, ses successeurs se
371
déchirèrent ; Ali, un gendre de Mohammed et quatrième calife,
s’opposa à Mu’awiya de Damas, cousin de ‘Uthmân, le troisième
calife. Quand enfin une trêve fut conclue, de nombreux compagnons
d’Ali, les Kharidjin, arguant que seul le Coran peut décider de qui
règnera, rejetèrent la paix signée entre Ali « le juste » et
Mu’awiya, « l’impie ». Ils devinrent des ennemis d’Ali, le
combattirent et finirent par l’assassiner. Les premiers clans se
subdivisèrent à plusieurs reprises, tant pour des raisons reli-
gieuses que politiques. Beaucoup de sang fut versé sur l’autel de
la foi islamique.
Mohammed exige d’être honoré
Bien que Mohammed ait souvent été mis en cause par les Médinois,
Arabes ou juifs, et qu’il n’ait jamais réalisé un miracle, cela ne
l’empêcha pas de s’autoglorifier : « Le prophète [Mohammed] a plus
de droit sur les croyants qu’ils n’en ont sur eux-mêmes ; et ses
épouses sont leurs mères […]. En effet, vous avez dans le Messager
de D-ieu un excellent modèle […]. Ô femmes du Prophète ! Vous
n’êtes comparable à aucune autre femme […]. Il n’appartient pas à
un croyant ou à une croyante, une fois que D-ieu et Son messager
ont décidé d’une chose, d’avoir encore le choix dans leur façon
d’agir […]. Mohammed n’a jamais été le père de l’un de vos hommes,
mais le messager de D-ieu est le dernier prophète […]. Certes, D-
ieu et Ses anges prient sur le Prophète ; ô vous qui croyez, priez
sur lui […]. Ceux qui offensent D-ieu et Son messager, D-ieu les
maudit ici-bas, comme dans l’au-delà et leur prépare un châtiment
avilissant » (33, 6-57).
Les musulmans affirment que Mohammed fut l’homme le plus noble
de son peuple. Mais sut-il faire la différence entre le service
divin désintéressé et le désir de conquête ?
Il pensa que son rejet par les juifs de Médine constituait un
blasphème. Selon lui, quiconque touche à son honneur, bafouerait de
fait celui de D-ieu. Les musulmans ont érigé l’honneur de Mohammed
en dogme. Pour nombre d’entre eux il est difficile d’admettre que
l’on puisse sincèrement craindre, aimer et honorer D-ieu sans
forcément embrasser leur foi.
Un musulman peut être amené à entrer en conflit avec l’un des
ses coreligionnaires ; mais, aujourd’hui encore, si d’aventure un
« infidèle » lève la main sur un musulman, ou même s’il se contente
de le réprimander, pour la plupart des musulmans cela constitue un
372
sacrilège . Cette susceptibilité sélective s’exprime également par
le ressentiment des musulmans de toutes nationalités envers l’État
d’Israël.
L’islamisation du patrimoine juif
Ça n’est pas sans difficulté que l’islam et ses dogmes furent
définis. Ses théologiens s’interrogèrent : l’islam était-il un
rejeton légitime de la religion juive, le frère de la religion
chrétienne ou la religion mère ?
C’est sur l’islamisation des traditions qui les ont précédés, et
au mépris de l’histoire, que les théologiens musulmans établirent
371 Voir aussi Djaït Hicham, La Grande discorde : religion et politique dans
l’Islam des origines, Paris, Gallimard, 1989.
372 Bernard Lewis, Juifs en terre d’islam, Paris, Calmann-Lévy, 1986
98