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LES DEUX TRADITIONS

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apostasie , car le risque était le même pour un chrétien, mais
aussi au fait que les musulmans, à l’inverse des chrétiens, ne
reconnaissent pas les textes juifs comme authentiques.
Citons Maïmonide : « Question : Est-il permit d’enseigner la
Torah aux non-juifs ? Réponse : Il est autorisé d’enseigner les
mitsvoths (préceptes de la Torah) aux chrétiens, et de les attirer
vers la religion juive, car ils reconnaissent que notre Torah vient
du Ciel, telle qu’elle nous fut donnée par Moïse, et qu’elle est
écrite en totalité chez eux […]. Mais rien de cela n’est autorisé à
l’égard des musulmans, car autant que nous sachions, ils croient
que nos textes de la Torah ne viennent pas du Ciel [mais auraient
été falsifiés]. Et lorsque nous leur enseignerons quelque partie de
ces textes, ils la trouveront contraire à ce qu’ils ont fabulé, à
cause de l’enchevêtrement d’histoires et la confusion des sujets
qui leur ont été retransmis. La Torah ne sera pas pour eux une
preuve de leur erreur, mais ils l’expliqueront selon leurs a priori
erronés, et ils pourront les utiliser dans des controverses. Ils
induiront ainsi en erreur tout converti ou juif ignorant. Ce sera
alors un piége pour les juifs résidant chez eux » . Pour ce qui est
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de la croyance musulmane que les juifs ont falsifié leurs textes,
les juifs répondent avec cet adage talmudique : « Celui qui
disqualifie autrui, le fait en raison de son propre défaut »
(Talmud Kidouchine 72 B).

La tradition juive
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La critique biblique, tant européenne que musulmane , avance
que le texte original de la Torah fut oublié, peut-être même
partiellement perdu. Cela se serait passé à l’époque des rois juifs
mécréants et durant l’exil en Babylonie. Elle aurait été
recomposée, à partir de fragments, par Ézra, à son retour à
Jérusalem.
Pour la tradition juive, le Pentateuque tel qu’on peut le lire
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aujourd’hui est identique au Livre que composa Moïse et qui fut
confié aux Cohanim – prêtres – pour être conservé à Jérusalem,
jusqu’à la destruction du premier Temple. Afin qu’il ne tombe pas
aux mains de Nabuchodonosor, l’empereur babylonien qui assiégeait
la ville, il fut caché par le prophète Jérémie et le roi Josias,
(Talmud Yoma 53 B). Selon le livre d’Esther, censé relater des
événements se déroulant durant l’exil babylonien, il y avait des
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juifs dans les 127 provinces, entre l’Inde et l’Éthiopie . Chaque
communauté à cette époque disposait d’une synagogue ou maison
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d’étude avec une ou plusieurs copies du Pentateuque que les juifs
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lisaient chaque Chabbat . Quand Nabuchodonosor, onze ans avant

408 Voir Coran 16, 106/107.
409 Maïmonide, Péer HaDor, ch. 50, Édition Mékitsey Nirdamim, Institut Ohr
Hamizrah, Jérusalem, 1984.
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Kühnen, Graf et Wellhausen.
411 Ibn Hazm, Samuel Al Mograbi, etc. Voir aussi Ramathullah al-Hindi, La
Manifestation de la Vérité, Beyrouth, éd. Iqra, 1999.
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Les très sérieuses études de Zwi Mecklenbourg, Haketav Vehakabalah, de David
Hofman et de Isaac Halévy (voir Bibliographie, page 208) semblent avoir réduit à
néant les hypothèses de Wellhausen. Voir aussi le commentaire de M. L. Malbim sur
le Tanakh.
413 Esther 8, 9.
414 Moïse recommanda à chaque juif d’en écrire un exemplaire, ou d’en charger un
scribe (Deutéronome 31).
415 Talmud Baba Kamah 82 A ; Actes 15, 21.



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