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NAISSANCE DE L’ISLAM COMME RELIGION INDÉPENDANTE

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ils se crurent abandonnés en plein désert ; quand ils apprirent
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que la terre qu’ils devaient conquérir était peuplée de géants ils
eurent peur d’y pénétrer ; quand ils manquèrent de nourriture en
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plein désert , ils craignirent pour leurs enfants en bas âge. Le
désespoir d’un peuple, ballotté pendant quarante ans dans le
désert, constitue-t-il une hérésie ?
Les musulmans n’auraient probablement pas réagi autrement dans
les mêmes circonstances ; rappelons-leur cet adage : « Dans ton
esprit, ne condamne pas ton prochain, tant que tu n’a pas été mis à
l’épreuve dans les même conditions » .
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La probité et la rigueur intellectuelles exigent, pour étayer
une thèse, qu’on ne cite pas certains versets d’un livre tout en
dissimulant d’autres. Et de très nombreux versets de la Bible
décrivent la grande admiration des juifs de cette génération à
l’égard de Moïse. Ils crurent spontanément, dès son retour de
Madian en Égypte, qu’il était envoyé par D-ieu : « Et Aaron dit
toutes les paroles que l’É-ternel avait adressées à Moïse, et il
opéra les prodiges à la vue du peuple. Et le peuple y eut foi »
(Exode 4, 30-31). Nul ne fut jamais plus respecté que Moïse, par
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les juifs et par les Égyptiens . Lorsqu’il disparut, ils le
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pleurèrent durant trente jours (Deutéronome 34, 8). La génération
de Moïse reçut de lui la Torah et l’étudia durant les quarante
années vécues dans le désert . Elle la transmit ensuite à ses
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enfants .
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Moïse n’eut pas à supplier, à menacer ou à tuer pour convaincre
qu’il était prophète . Cela ne fut pas le cas de Mohammed. Durant
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vingt-deux ans, il sollicita et implora son auditoire de croire en
lui.
Le Coran rapporte les difficultés qu’il rencontra pour être
reconnu comme Envoyé de D-ieu. La majorité de la population
mecquoise ne croyait pas en ses sermons, les juifs de Médine et les
chrétiens de Najran pas davantage en ses prophéties. Nombreux
furent les Arabes médinois qui doutèrent de lui, même parmi les
croyants : « De même, c’est au nom de la vérité que ton S-eigneur
t’a fait sortir de ta demeure, malgré la répulsion d’une partie des
croyants. Ils discutent avec toi au sujet de la vérité après
qu’elle fut clairement apparue ; comme si on les poussait vers la
mort et qu’ils [la] voyaient » ; « Qu’un bien les atteigne, ils
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disent : C’est de la part de D-ieu. Qu’un mal les atteigne, ils
disent : c’est dû à toi [Mohammed] » (4, 80/78).
On comprend alors aisément pourquoi Mohammed a raconté, non sans
compassion, les prétendus déboires de Moïse avec les juifs avant de
se déclarer lui-même prophète.

317 Exode 32, 1 ; ce détail n’est pas évoqué dans le Coran quand il raconte
l’épisode du veau d’or (7, 148 ; 20, 88-90 ; 2, 54).
318 Nombres 13, 28-33 ; Coran 5, 24-28.
319 Nombres 11, 5-6 ; Coran 2, 61.
320 Talmud, Avoth, chap. 2, 4.
321 Deutéronome 34, 10-12.
322 Exode 10, 3.
323 Exode 18, 16 ; 33, 7 ; 34, 32 ; Lévitique 27, 34 ; Deutéronome 4, 5 ; 32, 45 ;
33, 4 ; Talmud Érouvine 54 B.
324 Josué 24, 24 ; Juges 2, 7.
325 « Et Israël a vu la grande main que D-ieu a étendue sur l’Égypte, et le peuple
craint D-ieu, et ils croyaient en D-ieu et en Son serviteur Moïse » (Exode 14,
31).
326 8, 5-6 et nombreux autres versets ; nous suivons ici l’interprétation des
musulmans.



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