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MOHAMMED À MÉDINE

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L’élève se rebella . Le Talmud l’appelle celui qui a brûlé son
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plat en public – qui enseigna et se comporta publiquement de façon
scandaleuse.
De fait, nous ne savons rien de précis quant à la personnalité
de Jésus et à son interprétation de la Torah. Les chrétiens le
perçoivent comme un homme saint, altruiste, pétri de douceur et
plein de mansuétude. L’idolâtrant, des nations entières converties
au christianisme le prirent en exemple. En son nom, des myriades de
croyants prient, jeûnent, pratiquent la charité, s’occupent de
malades, s’interdisent mensonge, vol, adultère et meurtre.
Pourtant, certain passages des Évangiles donnent une toute autre
vision du Christ : « Amenez ici mes ennemis, ces gens [des juifs]
qui n’ont pas voulu que je règne sur eux, et égorgez-les en ma
présence » .
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Si, selon Mohammed, les juifs ont refusé et maltraité Jésus
injustement, pour les juifs par contre c’est leur adhésion à la
Torah et le respect de ses commandements qui leur a fait rejeter
Jésus et ceux qui après sa mort se réclamèrent de lui.
Paul et les apôtres ont effectivement conçu et établi une
nouvelle religion, en rejetant partiellement les bases de la Loi et
de la religion juives en les déclarant caduques. Ils ouvraient
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aussi la voie aux diatribes haineuses des Pères de l’Église , à
l’antijudaïsme chrétien du Moyen Age qui se poursuivit jusqu’aux
temps modernes, faisant le lit de l’antisémitisme nazi.
Les juifs furent accusés de déicide, on enseigna le mépris à
leur égard, pour reprendre la célèbre formule de Jules Isaac ,
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avant d’en arriver à la Shoah.
Le Talmud prévient : « Jésus a levé une léventa – une brique –
et se prosterna » (Sanhédrin 109 B). Le terme araméen de léventa
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provient de la locution livné bani – pour les petits-enfants . Par
cette expression, le Talmud fait probablement allusion à la pose de
la première brique d’un édifice qui traversera les siècles, le
christianisme .
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135 Lorsque le roi Alexandre Jannée, influencé par des sadducéens, massacra les
Sages pharisiens, Yéhouda ben Tabaï et ses élèves s’enfuirent en Égypte (Talmud
Kidouchine 66 A). C’est à leur retour en Israël que l’incident avec Jésus se
serait produit. Le Khousari (3, 65) rapporte qu’à l’époque d’Alexandre Jannée, un
certain groupe de juifs qui, tout en croyant au monde futur, – il ne peut s’agir
là des sadducéens – mais qui refusait la Torah orale, surgit. Cette secte
hypothétique annonce peut-être celle se réclamant de Jésus.
136 Bérakhoth 17 B, édition non censuré.
137 L’allégorie plat est à mettre probablement en relation avec Midrach
Rabbah/Genèse 39, 6 et Talmud Péssahim 112 A.
138 Luc 19, 27 et 12, 49-53 ; Matthieu 10, 34-36.
139 Jean Chrysostome en particulier. Les Pères de l’Église vécurent de la fin du
e
e
II siècle au début du VI . Considérés comme les docteurs légitimes de l’Église,
ils menèrent une lutte sans merci contre le judaïsme et les juifs, ainsi que
contre toutes formes de christianisme différentes de la leur, qu’ils
considéraient comme des hérésies.
140 Jules Isaac, L’Enseignement du mépris, Paris, Grasset, 2004. Cf., aussi Paul
Giniewski, La Croix des juifs, MJR, Genève, 1994 ; L’Antijudaïsme chrétien. La
Mutation, Salvator, Paris, 2000.
141 Talmud Chabbat 77 B.
142 Le Talmud fait peut-être allusion à ce que relatent le texte grec de
l’Évangile de Thomas III, 1-2 et le texte éthiopien intitulé Les Miracles de
Jésus, PO XII 626, selon lesquels Jésus aurait donné forme à de l’argile avant de
lui insuffler la vie. Cette légende est reprise par le Coran (voir page 54).



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