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MOHAMMED À MÉDINE
[les juifs] jalousent-ils les gens [les Arabes] que D-ieu a honoré
de Sa grâce ? » (4, 54).
En effet, pourquoi les juifs médinois s’opposent-ils à ce que
les Arabes s’immergent avant la prière ? On peut penser qu’ils
craignent qu’en pratiquant l’immersion rituelle, les adeptes de
Mohammed pensent faire partie dorénavant du peuple juif.
L’immersion dans un bain rituel est en effet exigée pour y
appartenir (Talmud Yébamoth 47). Mais la conversion au judaïsme est
subordonnée à une autre condition encore : l’acceptation de tous
les préceptes de la Torah et pour les hommes, la circoncision.
Mohammed et ses partisans ont déjà adopté la foi juive, pratiquent
certains préceptes et sont circoncis comme la plupart des Arabes.
Si de plus, ils s’immergent dans le bain rituel avant la prière,
ils remplissent toutes les conditions d’une conversion. L’immersion
faite seulement pour la prière, vaut en effet pour une conversion
(Talmud Yébamoth 47 B). Les Arabes risquent alors de se considérer
comme juifs, ce à quoi les juifs de Médine s’opposent catégo-
riquement.
Leur refus est dû au fait que le respect de tous les préceptes
du judaïsme est indispensable pour la conversion (Talmud Béhoroth
30 B), ce à quoi Mohammed n’est pas prêt. Il consomme de la viande
de chameau et les juifs médinois lui rappellent que la Torah
l’interdit, car cet animal n’a pas les sabots fendus. Certains de
ses compagnons se seraient laissés convaincre de ne plus consommer
d’aliments interdits aux juifs et Mohammed condamne leur attitude :
« Mangez donc de ce que D-ieu vous a attribué, de licite et de bon
[…] Et ne dites pas, conformément aux mensonges proférés par vos
langues : ceci est licite, et cela est illicite, pour forger le
mensonge contre D-ieu » (16, 114-116).
Mohammed refuse donc les lois de la cacherout et propose un
judaïsme amputé de certains principes. Dès lors, les juifs
craignant qu’ils se considèrent comme juifs, dissuadent les Arabes
médinois de pratiquer l’immersion. Se considérant comme juifs, ils
auraient voulu épouser des juives : « Les préservées [femmes
chastes] parmi les croyantes [arabes], et les préservées parmi ceux
qui ont reçu l’Écriture avant vous [les juifs], si vous leur donnez
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leur douaire [sont licites pour vous] » (5, 5) . Or, l’union d’un
homme juif avec une femme non juive, comme celui d’une femme juive
avec un non-juif avant leur conversion au judaïsme est prohibée
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pour les juifs .
Confronté au refus des juifs, Mohammed s’emporte : « N’as-tu pas
vu ceux-là qui se déclarent purs [les juifs], et ils ne veulent pas
que vous les rejoigniez ? Mais c’est D-ieu qui purifie qui Il veut
[donc nous Arabes, pouvons adhérer au judaïsme]. Regarde comme ils
[les juifs] inventent le mensonge à l’encontre de D-ieu, ce qui
constitue un péché manifeste » (4, 49-50/52-55).
126 D’après la tradition, Mohammed lui-même donna l’exemple et s’appropria des
femmes juives après avoir mis leurs époux à mort. Mais on ne doit pas attribuer
plus de valeur à cette tradition qu’aux autres (voir le début du chapitre V) ;
elle fut sans doute forgée ultérieurement pour justifier les conversions forcées
de jeunes filles juives en vue de leur mariage avec des musulmans.
127 Deutéronome 7, 3 ; voir aussi la confession si poignante d’Ézrah, 1, 9-10 ;
Talmud Kidouchine 66 B ; cette interdiction s’applique aussi à l’endroit de ceux
qui acceptent le statut de Guer Toshav, Talmud, Guerim 3, 3 et cela même s’ils
acceptent de se plier à des lois supplémentaires aux sept lois noachides, voir
Talmud Avodah Zarah 64 B.
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