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MOHAMMED À MÉDINE
arabes et une importante communauté juive. Au début, Mohammed imite
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le comportement des juifs et tente de s’intégrer à eux . Il prie
comme eux en direction de Jérusalem, il semble même vouloir
respecter le Chabbat : « Ô vous qui croyez, quand on vous appelle à
la prière le jour de l’assemblée [vendredi soir], accourez à
l’invocation de D-ieu en abandonnant tout négoce » (62, 9).
Amèrement, il constate que les Arabes ne suivent pas son
exemple : « Quand ils [les Arabes] entrevoient quelque affaire ou
divertissement, ils se dispersent et te laissent debout dans la
mosquée » (62, 11). Son maître lui demande alors de les exhorter à
être plus sérieux : « Dis : Ce qui est auprès de D-ieu est
préférable au plaisir ou au négoce » (62, 11). Une fois la rupture
avec les juifs consommée, il affirmera que l’observance du Chabbat
ne concerne pas les Arabes (16, 124).
Mohammed désire ardemment judaïser, mais les juifs médinois
tentent de l’en dissuader. La controverse commence probablement au
sujet de la purification rituelle.
Rappelons tout d’abord quelques lois juives. Avant chaque
prière, on se lave les mains ; s’il n’y a pas d’eau, on se frotte
les mains avec de la terre ou du sable (Talmud Bérakhot 15 A). Il
est interdit de prier en état d’ébriété (Talmud Érouvine 65 A). Un
autre usage veut que l’homme après avoir eu un rapport avec une
femme, ou qui est pour une autre raison en état d’impureté, prenne
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un bain rituel avant de prier (Talmud Baba Kamah 82 A).
Imitant les juifs, Mohammed ordonne à ses partisans : « Ô les
croyants, n’approchez pas de la Salat [prière] lorsque vous êtes
ivres, quand vous êtes en état d’impureté – à moins que vous ne
soyez en voyage – jusqu’à ce que vous ayez pris un bain rituel. Si
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vous êtes malades ou en voyage, ou si l’un de vous revient du lieu
où il a fait ses besoins, ou si vous avez touché à des femmes et
que vous ne trouviez pas d’eau, alors recourrez à une terre pure,
et passez-vous-en sur le visage et sur les mains » (4, 46/43).
Les juifs entreprennent de détourner les Arabes de ce rite
d’immersion ; certains s’en abstiennent alors. Le maître de
Mohammed s’emporte contre ces Arabes : « N’as-tu [Mohammed] pas vu
ceux qui ont reçu une partie du Livre [les Arabes qui furent
influencés par les juifs] acheter l’égarement et chercher à ce que
vous vous égariez du chemin ? D-ieu connaît mieux vos ennemis » .
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Mohammed se plaint alors du comportement des juifs : « Pourquoi
122 Indépendamment du Coran, de nombreux hadiths décrivent l’imitation faite par
les adeptes de Mohammed – dans un premier temps – des coutumes juives ; voir M. J.
Kister, Studies in Jahiliyya and Early Islam, New York, Ashgate Pub Co, 1980.
123 Instauré initialement par Ézra, cet usage est aujourd’hui facultatif (Talmud
Bérakhot, 22).
124 La maladie dispense de ce rite [idem].
125 Coran 4, 47-48/44-45. D’après certaines traductions, un autre verset
encouragerait à l’immersion : « Une immersion divine ; qui est mieux que D-ieu
pour une immersion, et nous sommes Ses serviteurs. Dis [aux juifs] : Disputez-
vous au sujet de D-ieu, Il est notre D-ieu et le vôtre ; à nous [arabes] nos
actions et à vous [juifs] vos actions » (2, 132-133/138-139). Le second maître de
Mohammed, comme éventuellement les scribes du Coran, semble influencé par une
secte baptiste. Pour Jean-Baptiste, le prophète Yahia – le Coran narre sa
naissance miraculeuse (19, 1-15) – l’immersion était un rite capital de
purification et d’acceptation de la religion de Moïse (Matthieu 3, 6, Marc 1, 5).
L’Église romaine l’a remplacé par la simple aspersion d’eau sur la tête, mais
l’Église orientale conserve l’immersion complète du corps. Le maître de Mohammed
à Médine est évidemment un oriental.
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