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MOHAMMED À MÉDINE
demande aux Arabes de jeûner ce jour-là, le dix Tichri, qu’il nomma
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Ashourah . Les musulmans changèrent par la suite le sens donné à
ce jeûne. Il se pratique encore chez les Chi’ites, qui commémorent
en ce jour d’Ashourah des événements qui ne surviendront
qu’ultérieurement : les martyrs de leurs imams. Le Coran prescrit
le jeûne durant le jour ; de l’aube, dès qu’on aperçoit la
différence entre un fil noir et un fil blanc jusqu’au soir ; la
chasteté est obligatoire : « On vous a permis, la nuit du jeûne,
d’avoir des rapports avec vos femmes […], mangez et buvez jusqu’à
ce que se distingue, pour vous, à l’aube, le fil blanc du fil
noir » (2, 183/187).
La tradition juive pour sa part distingue deux catégories de
jeûnes : ceux qui commencent à l’aube (Talmud Taanith 10 A), et
ceux qui commencent le soir. Seuls ces derniers, comme le jeûne du
Kippour (Lévitique 23, 32) et celui du 9 Av impliquent la
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chasteté . Quant à la distinction entre un fil blanc et un fil bleu
foncé, elle est évoquée dans le Talmud (Bérakhoth 9 B) au sujet
d’une lecture rituelle matinale.
Jérusalem et La Mecque
Au début de son séjour à Médine, Mohammed se tourne pour prier
vers Jérusalem, comme le font les juifs. Il sait que c’est la ville
sainte où s’élevait le Temple ; que le peuple s’y rendait en
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pèlerinage durant certaines fêtes et que des miracles s’y sont
produits. C’est le lieu où Abraham se recueillit : « Le premier
Temple qui ait été édifié pour les hommes est celui de Bakka,
Temple béni qui est le centre de l’univers. On y trouve des
miracles évidents. Là est maqâm ‘Ibrahîm – la station d’Abraham.
Pour ceux qui en ont les moyens, c’est un devoir envers D-ieu d’y
faire pèlerinage » (3, 96-97). La description du Coran correspond à
celle de la Torah. Le lieu où Abraham prie pour sauver Sodome et
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Gomorrhe de la destruction est appelé maqom . Voulant sacrifier
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son fils, Abraham fut guidé vers le maqom , vers le Har Hamoria
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– mont Moriah ou montagne de D-ieu –, où fut élevé le Temple . La
Chékhinah –présence divine – s’y installa ; dix miracles s’y
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produisaient continuellement . Ce verset du Coran relatant la
station d’A-braham, désigne donc bien le Temple de Jérusalem.
Mohammed connaît l’histoire de l’ancêtre des Arabes, Ismaël, le
fils qu’Abraham eut, selon la Bible, avec sa servante : « Louanges
à D-ieu qui m’a donné Ismaël et Isaac dans ma vieillesse » (14,
39). Constatant que les juifs refusent de laisser les Arabes
s’intégrer à eux, il ne se décourage pas. Il détourne le texte
biblique et déclare que D-ieu a demandé à Abraham de construire un
temple avec le concours d’Ismaël. À Médine, alors qu’auparavant il
priait comme les juifs en direction de Jérusalem, il se tourne vers
207 En hébreu, dix se dit Assarah, et en arabe Assrah. Le passage du prophète
Isaïe (58, 6-9) lu durant ce jour solennel par les juifs est repris par le Coran
(90, 12-18).
208 Talmud Yoma 73 B, Taanith 12 B.
209 Deutéronome 16, 7-16.
210 Genèse 18, 23-33.
211 Genèse 19, 27.
212 Genèse 22, 4 ; 22, 14.
213 Genèse 22, 2.
214 Chroniques II 3, 1.
215 Rois I, 8, 10-11.
216 Talmud, Avoth 5, 5/8 ; Chabbat 22 B.
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