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MOHAMMED À MÉDINE

découragent plutôt, à l’instar de Noémie envers sa bru Ruth (Ruth
1, 8-15).
D’après le Talmud, la sincérité du candidat et sa capacité à
accomplir tous les commandements sont nécessaires. Une fois
converti, le postulant est soumis au respect et à la pratique de la
Torah. Il s’expose alors, comme tous les autres juifs, au jugement
du Tribunal céleste, et aussi – à l’époque du Temple – à celui du
tribunal terrestre (Talmud Yébamoth 47 A). Il est donc préférable,
pour celui qui n’est pas capable de se plier à toutes les lois
juives, de ne pas se convertir.
La circonspection des juifs quant à la conversion à leur foi,
même si un candidat se présente seul, est donc justifiée. Elle
l’était d’autant plus à Médine, quand Mohammed aspira à une
conversion collective de ses disciples.
Un individu peut éventuellement apprendre à se conduire comme
les juifs en vivant parmi eux, mais, dans les conversions
s’effectuant en groupe, il y a lieu de craindre que les nouveaux
convertis demeurent entre eux et ne s’intègrent pas réellement.
La question d’une intégration massive au sein du peuple juif
s’était déjà posée. L’histoire révèle de nombreuses expériences non
concluantes, les convertis formant un groupe à part si ce n’est une
secte : le érév rav – la populace qui se joignit aux juifs à leur
sortie d’Égypte ; les serviteurs du roi Salomon (Talmud Yébamoth
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16 B) ; les Kouti’im ou Chomronim – les Samaritains – qui ne
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respectaient pas correctement les lois juives et devinrent par la
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suite des ennemis jurés des juifs , ce qui transparaît dans le
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Talmud et les Évangiles ; les convertis Iduméens aux époques des
rois Alexandre Jannée et Hérode . Selon Rabbi Abraham, le fils de
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Maïmonide , ils collaborèrent avec les romains durant la
destruction du Temple de Jérusalem en 70 et formèrent le gros du
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bataillon des premiers chrétiens issus du monde non-juif. Quant aux
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Khazars qui se convertirent au VIII siècle, l’expérience ne
s’avéra pas concluante ; ils furent massivement christianisés plus
tard.
Si les pharisiens n’acceptèrent aucune concession quant aux lois
du judaïsme, ça ne pas le cas des Apôtres. Paul avoue : « Lorsque
j’ai affaire aux juifs, je vis comme un juif, afin de les gagner ;
bien que je ne sois pas soumis à la loi de Moïse [sic] […], de
même, lorsque je suis avec ceux qui ignorent la loi de Moïse, je
vis comme eux, sans tenir compte de cette loi, afin de les gagner »
(Corinthiens I 9, 20-21) ; « Il n’est donc plus important que l’on
soit juif ou non-juif, esclave ou libre, homme ou femme ; en effet,
vous êtes tous un dans la communion avec Jésus-Christ » (Galates 3,
28).
Paul créa en fait une religion qui ne correspond ni au judaïsme,
ni aux lois que D-ieu donna aux non-juifs, les lois noachides. Il

190 Exode 12, 38 et voir Midrach Rabbah/Exode 42, 6.
191 Rois II, 17, 24-41.
192 Ezrah II chap. 2-6.
193 Talmud Yoma 69 ; Chevi’it 8, 10 ; Houlin 13 A et Tossafoth “Pitto”.
194 Matthieu 10, 5 ; Jean 4, 9 ; 8, 48.
195 Cf., Flavius Josèphe, La Guerre des juifs.
196 Dans son commentaire sur Genèse 25, 23.
197 Voir aussi le texte de Maïmonide cité à la fin du chapitre VI.
198 Ce peuple établit un Empire s’étendant de la basse Volga jusqu’au fleuve
Oural.



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