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ÉPOQUE ACTUELLE ET PERSPECTIVES D’AVENIR
Ibn Taymya
Pour commenter et compléter les récits du Coran, l’islam à ses
débuts fit amplement appel à la tradition juive ; les musulmans
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nomment ces ajouts les israïlyat . Mais Ibn Hazm et Ibn Taymya, des
théologiens qui rejetaient toutes sources extérieures à l’islam en
les considérant comme une déviance, refusaient les références aux
juifs et à leurs livres qui seraient selon eux, le Pentateuque
inclus, des faux. À les suivre, les musulmans auraient été induits
en erreur par des juifs convertis à l’islam. Pour ne rien devoir
aux juifs, ces docteurs discréditèrent de fait la fiabilité de la
tradition musulmane, sans tenir compte du danger que cela
représentait pour la foi islamique.
Selon Ibn Taymya, l’importance que les juifs accordent à la
Terre sainte et à Jérusalem est abusive. Le Coran rapporte que D-
ieu a permis aux juifs de construire deux Temples, mais le lieu où
ils furent érigés, Jérusalem, n’y est nullement mentionné.
L’emplacement exact de la terre que D-ieu avait promise aux juifs,
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et citée plus de cinquante fois par le Pentateuque entre autres,
n’est pas plus précisé dans le seul livre non falsifié, c’est-à-
dire le Coran. Jérusalem ne serait donc pas une ville si sainte
pour les juifs...
Les salafistes, inspirés des thèses de ce docteur de la foi,
exigent la domination des musulmans sur ces lieux qu’ils con-
sidèrent comme saints, mais pour des raisons qui leur sont propres.
Jérusalem devrait être musulmane, car c’est de là que Mohammed
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aurait gagné le ciel sur sa jument. Pour eux, cette légende a bien
plus de valeur que le lien des juifs, confirmé tant par l’histoire
– ceux qui la nient ne craignent pas le ridicule – que par les
textes, avec la Terre sainte et Jérusalem.
Ibn Taymya a avancé d’autres idées, qui furent rejetées par la
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majorité des musulmans : Il prohiba de considérer les tombeaux des
saints comme un lieu de pèlerinage (ainsi que le font les chi’ites
et de nombreux sunnites) ; celui qui interprète le Coran autrement
que dans sa littéralité est, selon lui, un hérétique (ce qui est
le cas des soufis et d’autres courants de la pensée musulmane) ;
les hérétiques doivent, toujours selon Ibn Taymya, être combattus
par les armes.
Pour ce théologien, la disparition du califat abbasside de
e
Bagdad au XIII siècle, suite à la victoire des mongols, est un
châtiment divin conséquent à l’abandon de l’islam pur, pratiqué par
les compagnons de Mohammed. Les salafistes et les wahhabites qui
cherchent de nos jours à rétablir l’Empire musulman, s’inspirent de
cette idée. Ibn Taymya était aussi un fervent défenseur du Qadr –
la notion de prédestination.
Après une bataille ordonnée par Mohammed, quand certains Arabes
médinois se plaignirent de la perte de leur proches, ce dernier se
justifia ainsi : « Personne ne peut mourir que par la permission de
D-ieu, et au moment prédéterminé. Quiconque veut la récompense
l’un d’entre eux. Ce dernier faute et ses frères jaloux, qui briguent la pierre,
le maltraitent jusqu’à ce qu’il se repente. Rapporté chez Moritz Steinschneider,
La Littérature arabe des juifs. Ce conte a inspiré Gotthold Éphraïm Lessing pour
sa pièce, Nathan le sage, Paris, Aubier, 1993.
486 Voir S. D Goiten, Isra’iliyât the Spere of Mâlik Ibn Dînâr, Tabriz, 1936.
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Voir par exemple Nombres 34, 1-12 et tout le livre de Josué.
488 Voir chapitre II, page 42.
489 Il fut censuré et mourut en prison.
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