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MOHAMMED À LA MECQUE

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sur ce sujet , ‘Uthmân, troisième calife et gendre de Mohammed,
aurait compilé différents documents dispersés dans lesquels étaient
consignés des discours de Mohammed, avec ceux en possession d’une
veuve de ce dernier, Hafza, fille du calife Umar. Sur la base de
ces éléments, aidé de ses scribes, il composa ce qui devint le
Coran ; d’où son nom : le Coran Mushaf ‘Uthmân. La tradition
musulmane relate que ‘Uthmân aurait veillé à ce que soient effacés,
brûlés ou cachés certains documents qui ne lui convenaient pas. Il
aurait fait châtier plusieurs personnes qui ne partageaient pas son
point de vue. Cela se serait passé au cours des vingt années qui
suivirent la disparition de Mohammed.
Une question simple s’impose. La version actuelle du Coran
mentionne que Mohammed aurait dit : « Je vous narre des récits du
Coran […] je vous apporte le Coran en langue arabe », en insistant
sur le fait que ce livre en arabe est conforme au livre que Moïse a
e
reçu au Sinaï. Or, Mohammed a vécu au VII siècle, soit environ dix-
neuf siècles après Moïse. Comment a-t-il pu affirmer que le Coran
Moushaf ‘Uthman est identique au Livre de Moïse, étant donné que ce
Coran rapporte des discussions et des événements qui ne se sont
e
déroulés qu’au VII siècle ? De plus, comment aurait-il pu parler à
La Mecque, vers l’an 615, d’un livre qu’il appelle Coran en langue
arabe, alors que ce livre n’existait pas encore, puisqu’il n’a été
composé qu’après sa mort ?
Il est donc évident que lorsque Mohammed parle du Livre qu’il
nomme le Coran, il ne s’agit pas du Coran Moushaf ‘Uthman, mais de
la Torah, le Livre de Moïse, qu’il désigne sous le nom de Coran. Le
mot Coran, du reste, est sémantiquement proche du nom que les juifs
donnent à la Torah : Mikrah.
« Je vous narre des récits du Coran » signifierait donc : Je
vous raconte des récits du Livre de Moïse – Mikrah.
Mohammed assure que D-ieu veillant sur ce Livre, il ne fut
jamais falsifié : « En vérité c’est Nous qui avons fait descendre
le Coran [la Torah], et c’est Nous qui en sommes gardiens » (15,
9). Lorsque Mohammed dit qu’il donne le Livre du Coran en arabe qui
serait conforme à la Torah de Moïse, cela implique que Mohammed a
écrit, ou pour être plus précis que l’on a écrit, à sa demande, un
livre en arabe. Cet ouvrage serait un résumé des récits du Livre de
Moïse, le Pentateuque, avec des extraits du Tanakh. Mohammed
dénomme l’ensemble le Coran et le donne aux Arabes en leur
affirmant : « Voici le Coran en arabe, conforme à la Torah de
Moïse ».
Pour important qu’il fut, ce livre, tel que Mohammed l’a donné,
n’est pas parvenu jusqu’à nous. Peut-être fait-il partie des
documents qu’‘Uthman a caché ou brûlé, à moins qu’il ait été
détruit, un peu plus tôt ou un peu plus tard par quelqu’un d’autre.
Les raisons de cette destruction sont sans doute liées aux
événements qui se sont déroulés à Médine et que nous exposerons
dans les prochains chapitres.
Le Coran actuel aurait donc été composé par ‘Uthman et ses
scribes, sans doute à partir de passages de cette première version
du Coran, enrichis par des débats que Mohammed entretint avec des
Arabes, des chrétiens et des juifs, ainsi que par quelques récits
de sa vie privée. Cet ensemble deviendra le Coran Mushaf ‘Uthmân.


63 Cf., Introduction au Coran de Régis Blachère, Paris, G. P. Maisonneuve, 1947.



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