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NAISSANCE DE L’ISLAM COMME RELIGION INDÉPENDANTE

D-ieu lui adjoint son frère Aaron : « Aaron ton frère sera ton
nabi » (Exode 7, 1) ; celui qui s’exprimera à sa place, son porte
parole. Les faux prophètes sont aussi désignés par ce terme :
« S’il se lève parmi vous un nabi ou rêveur » (Deutéronome 13, 2) ;
ou les Nébiey Haba’al (Rois II 10, 19). Pourquoi ces derniers sont-
ils dénommés nabi ? Soit parce qu’ils prétendent être de vrais pro-
phètes, soit parce qu’ils s’expriment gravement ou étrangement,
comme si leur esprit est possédé par une force mystérieuse. Nous
parlerions de nos jours d’un état extatique, provoqué par une
pratique particulière ou un problème neurologique. Le nabi dans un
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état de transe peut être sain d’esprit comme le fut Saül , ou avoir
un esprit dérangé .
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Les Évangiles parlent d’individus qui, après avoir été en
contact avec les apôtres, ne parvenaient plus à s’exprimer in-
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telligiblement, comme s’ils étaient habités par le Saint-Esprit .
En arabe, le mot mejdoub désigne un être déraisonnable, dont
l’esprit a été pris par une force mystérieuse. La plupart des
cultures populaires du monde ancien – sans doute en était-il ainsi
dans l’Arabie préislamique – respectaient le mejdoub ; elles le
considéraient comme saint .
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Le second maître de Mohammed le définit donc comme un nabi.
Cela, parce qu’il prêche des paroles graves, ou parce qu’il raconte
ses rêves en croyant qu’ils lui sont inspirés par une force
céleste. Soit encore parce qu’il s’exprime parfois de façon
insolite, comme un mejdoub.
Le Coran met Jésus à contribution pour justifier que Mohammed
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est le dernier des prophètes : « Quand Jésus, fils de Marie dit :
Ô fils d’Israël ! Je suis l’Apôtre d’A-llah [envoyé] vers vous, et
j’annonce un prophète dont la communauté sera la dernière
communauté, et par lequel A-llah mettra le sceau aux prophètes et
aux Apôtres […]. Les disciples de Jésus l’ont cru, tandis que les
juifs le repoussèrent » (61, 6-14) ; « Et quand Jésus fils de Marie
dit : Ô enfants d’Israël, je suis vraiment le Messager d’A-llah
[envoyé] à vous, confirmateur de ce qui, dans la Torah, antérieur à
moi, et annonciateur d’un Messager à venir après moi, dont le nom
sera : Ahmad […]. Les juifs n’ont pas accepté ses paroles » (61, 6-
14). Pour les musulmans, Ahmad ne serait autre que Mohammed.
Cependant, cette annonce de Jésus au sujet de Mohammed ne se
trouve nulle part dans les textes chrétiens. Quand ils évoquent la
Parousie, c’est le Christ qui reviendra. Mohammed se substituerait-
il à lui à l’avance ?




275 Samuel I 19, 19-24.
276 Osée 9, 7.
277 « Ils furent tous remplis du Saint-Esprit et se mirent à parler en d’autres
langues, selon ce que l’Esprit leur donnait à exprimer » (Actes 2, 4) ; « Paul
posa les mains sur eux et le Saint-Esprit leur fut accordé ; ils se mirent à
parler en des langues inconnues et à donner des messages reçus de D-ieu » (Actes
19, 6) ; « Celui qui parle en des langues inconnues ne parle pas aux hommes mais à
D-ieu […]. Je remercie D-ieu car je parle en des langues inconnues, plus que vous
tous. Mais, devant l’Église assemblée, je préfère dire cinq mots compréhensibles,
afin d’instruire les autres, plutôt que de prononcer des milliers de mots en
langues inconnues » (Corinthiens I, 14, 2-19).
278 Voir Émile Dermenghem, Le Culte des saints dans l’islam maghrébin, Paris,
Gallimard, 1954.
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Le Coran offre deux versions différentes de ces verset ; nous les citons.


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